Le bureau des jardins et des étangs, Didier Decoin, Editions Stock, janvier 2017, 396 pages
Empire du Japon, époque Heian, xiie siècle. Être le meilleur pêcheur de carpes, fournisseur des étangs sacrés de la cité impériale, n’empêche pas Katsuro de se noyer. C’est alors à sa jeune veuve, Miyuki, de le remplacer pour porter jusqu’à la capitale les carpes arrachées aux remous de la rivière Kusagawa. Chaussée de sandales de paille, courbée sous la palanche à laquelle sont suspendus ses viviers à poissons, riche seulement de quelques poignées de riz, Miyuki entreprend un périple de plusieurs centaines de kilomètres à travers forêts et montagnes, passant de temple en maison de rendez-vous, affrontant les orages et les séismes, les attaques de brigands et les trahisons de ses compagnons de route, la cruauté des maquerelles et la fureur des kappa, monstres aquatiques qui jaillissent de l’eau pour dévorer les entrailles des voyageurs. Mais la mémoire des heures éblouissantes vécues avec l’homme qu’elle a tant aimé, et dont elle est certaine qu’il chemine à ses côtés, donnera à Miyuki le pouvoir de surmonter les tribulations les plus insolites, et de rendre tout son prestige au vieux maître du Bureau des Jardins et des Étangs.
Merci à netgalley et aux éditions Stock pour ce partenariat. Ce titre m’avait déjà accroché l’œil en librairie. J’étais donc très contente de me lancer dans ce livre !
Si la couverture, évoquant le Japon, m’avait accroché l’œil, je ne connaissais pas Didier Decoin qui est un auteur de l’académie Goncourt. Ma première impression, c’était que… partir en voyage à l’époque Heian par le prisme d’un auteur français était assez périlleux. C’est ce qui m’avait fait hésité en librairie, et pourtant ! Didier Decoin est largement à la hauteur de l’exercice.
C’est d’abord une très belle plume que j’ai pu découvrir. Je ne connaissais pas son écriture, mais elle convient parfaitement à l’univers. On est au Japon de l’époque Heian, et on sent vraiment que l’auteur a pris le temps de se documenter, que son livre a muri durant des années. Outre l’écriture qui sied à l’ambiance, on est baigné dans les légendes japonaises mais aussi les traditions de l’époque.
Après une longue claustration accompagnée de la stricte observance des restrictions alimentaires liées au deuil, et après avoir lustré le corps de Katsuro à l’aide d’une étoffe sacrée destinée à en absorber les impuretés, Amasuka Miyuki s’était soumise au rituel destiné à la purifier de la souillure entraînée par la mort de son mari.
C’est avec la mort du mari de Miyuki que tout commence. Pécheur de carpe, il est chargé de livrer chaque année les plus belles carpes pour les étangs du palais impérial. Pour ce faire, il doit donc effectuer de longs voyages à pied. Miyuki, elle, n’est jamais sortie de son village. A la mort de son mari, elle va honorer le contrat et partir non seulement livrer les carpes, mais aussi sur le chemin de son mari, sur cette terre qu’il a foulé de nombreuses fois. Sur ses traces, elle apprendra à le connaître mieux.
C’est donc un voyage initiatique. Katsuro, bien que mort dès le départ, est très présent dans le livre. Il vit énormément à travers Miyuki. J’ai trouvé cette manière de traiter le deuil très belle. Miyuki est un personnage très agréable à suivre. Cette paysanne, qui n’a jamais quitté son village, est très courageuse et combattive. Ce petit bout de femme, portant sur des kilomètres ses seaux de carpe extrêmement lourds, est très attachant. On espère qu’elle arrivera au palais et, en même temps, on n’en doute pas.
J’ai également beaucoup apprécié les diverses rencontres de Miyuki qui sont d’autant plus intéressantes qu’elle n’a connu que son mari, que son village. Pourtant, elle m’a semblé plus éveillée que les autres, plus proche de la réalité et d’un naturel élégant et raffiné malgré ses origines. Elle n’est pas vraiment naïve mais a l’esprit « pur », vierge de toute éducation formatée.
Les dieux avaient créé le néant pour persuader les hommes de le combler. Ce n’était pas la présence qui régulait le monde, qui le comblait: c’était le vide, l’absence, le désempli, la disparition. Tout était rien. Le malentendu venait de ce que, depuis le début, on croyait que, vivre, c’était avoir prise sur quelque chose, or il n’en était rien, l’univers était aussi désincarné, subtil et impalpable, que le sillage d’une demoiselle d’entre deux brumes dans le rêve d’un empereur.
Un monde flottant.
Le rapport au corps et aux odeurs est très présent dans ce livre. On le remarque d’autant plus que cela nous immerge dans le récit dont les codes nous sont inhabituels. Ce point pourra en surprendre certains, mais c’est ce qui m’a mis dans l’ambiance de ce livre.
La fin clôt le livre magnifiquement.
En bref, si vous êtes prêts à voyager dans le Japon de l’époque Heian, ne passez pas à côté de ce livre. J’ai appris pas mal de choses sur le Japon avec beaucoup de plaisir. Venez à la rencontre de Miyuki et cheminez auprès d’elle jusqu’au palais impérial.
Je suis en train de le terminer ! J’espère que la fin me plaira ! 😀 Merci pour ta chronique !
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne suis pas venue sur WordPress depuis un moment, mais je suppose que tu l’as fini depuis. J’espère qu’il t’a plu !
J’aimeJ’aime
Ce livre me fait de l’œil également !
J’aimeJ’aime
J’avais les mêmes appréhensions que toi, ne connaissant pas Didier Decoin avant, mais pas déçu de ce beau et intéressant voyage !
J’aimeAimé par 1 personne