Purextase – Andreï Guelassimov

Purextase, Andreï Guelassimov, éditions des Syrtes (2023), 332 pages. Traduit par Raphaëlle Pache.

Résumé éditeur : Purextase plonge le lecteur dans l’underground des années 1990 et 2010, en Russie. C’est l’itinéraire émouvant et drôle, parfois désabusé et brutal de Tolian, alias Booster, alias Pistoletto. Célèbre rappeur russe il est en tournée en Allemagne en 2016 lorsqu’une rencontre inattendue le fait replonger dans son passé. On le retrouve dans les années 1990, dans le chaos et les trafics de Rostov-sur-le-Don, où le jeune homme se démarque par son goût et son talent pour le rap. Cette passion ne lui épargnera pas la dépendance et les errances. Mais la musique va l’aider à panser ses plaies, à trouver l’amour et la reconnaissance. 

Inspiré par un personnage réel, le rappeur Basta, Purextase est aussi le roman d’une génération, présentée sans artifices, dans toute sa complexité et sa violence et qui évoque avec audace des sujets aussi tabous qu’universels. Voici la chanson de Basta qui a inspiré Andreï Guelassinov (lien youtube).

Voici un roman que j’ai reçu dans le cadre d’une mass critique Babelio et que j’ai dévoré littéralement.

Incipit :
Novembre 2016, Dormund, Allemagne
La police a rappliqué avec un gros chien, pendant la balance. Mitia a voulu protester, mais les Allemands ne l’écoutaient pas.
Le berger allemand reniflait nos enceintes et nos malles. Liocha Jay gloussait nerveusement et menaçait de lui montrer son cul. Sacha tapait sur sa batterie. Ania chantait à tue-tête. Les Allemands attendaient que leur gros clebs trouve quelque chose.
Evidemment, le berger allemand me plaisait. Enfant, j’en aurais voulu un, mais là, ça relevait de l’arbitraire total.
– vous déconnez plein pot, les gars ! ai-je lancé d’une voix innocente au maître du magnifique animal. On a un concert dans deux heures. Le dernier de la tournée.

Au début du roman, je ne savais pas vraiment où on allait bien que le titre soit évocateur et le résumé éditeur (voir plus haut) on ne peut plus juste. On suit Tolia à partir de sa jeunesse jusqu’à sa célébrité, ce dernier fait n’est pas un spoil car toutes ces temporalités s’entremêlent. Au début du roman, il donne un concert en Allemagne en 2016 et croise une ancienne connaissance. Alors, il se souvient de sa jeunesse dans les années 96. On comprend rapidement qu’il n’était pas une personne forcément recommandable (d’où la police de l’incipit), ou du moins, qu’il a un lourd passé. Ainsi, la structure du récit et ses différentes temporalités auréolent en quelque sorte le personnage de mystères. Qui est-il? Qui était-il? A-t-il changé? Comment a-t-il fait pour se sortir de tout ça ? J’ai aimé sa construction et son caractère. Même dans les pires moments, je me sentais investie dans son histoire et en empathie avec lui.

J’ai repensé un peu à Transpotting, en plus simple dans sa narration car malgré les aller-retours dans le passé, on suit un seul personnage et l’écriture est plus fluide. Au début, j’ai eu un peu de mal à saisir le contexte car on parlait de la fin de la guerre en Tchétchénie et j’ignorais tout de cette guerre qui a eu lieu quand j’étais gamine (94-96). Je pensais que ça allait être important pour l’histoire et je me suis documentée. Puis on apprend aussi, dès le départ, qu’il a connu son père à sept ans seulement. Auparavant, il considérait Taguir, un Tchétchène, comme son père. Ce début d’histoire ne m’a pas paru hyper intuitif, mais il faut surtout comprendre que ce fut une période de trouble (politique et familial). Bref, ça c’est l’affaire des 30 premières pages. Par la suite, ce n’est plus le sujet. On suit Tolia et sa bande de potes peu recommandables, à Rostov-sur-le-don (Sud de la Russie), dans ses premiers pas musicaux, mais c’est surtout la drogue qui a une importance dans le récit. Je précise qu’elle n’est pas glamourisée, même si Tolia est attachant et qu’il en est dépendant. Sans donner les détails, les péripéties ne donnent pas envie de s’injecter la moindre drogue.

P47 Extrait de conversation entre Tolian et son frère. Contexte : Tolian s’est mis dans les embrouilles pour aider un ami drogué. Son frère le lui a reproché.
Frérot, ajoutai-je, tu me feras une liste, quand tu auras le temps.
– une liste de quoi ?
– Eh ben, une liste… (je mimais avec les mains le rectangle d’une feuille de papier.) Une liste de ceux qu’il ne faut pas aider. Tu as déjà le début: les dégénérés et les responsables des truc. Qui d’autre tu y ajouterais ?
Il me regarda comme le dernier des trouducs.
– Dioma s’est fait botter le cul tout seul.
– Et toi, tu prétends que chacun dans la vie reçoit ce qu’il mérite ?
– Bien sûr! s’écria il, à deux doigts de hurler. Comment tu peux penser qu’il en va autrement, putain! Moi, par exemple, je construis ma vie. Je fais tout comme il faut. Et ça fonctionne. La vie répond, frère. Alors ce connard, il a tout foutu en l’air lui-même. De ses propres mains. Qui l’a forcé à se défoncer ? Il est tombé tout seul plus bas que terre.
– Et donc tu ne peux pas lui pardonner cette merde ?

De plus, Rostov-sur-le-don à cette époque est gangrenée par la mafia (certainement suite à cette période de troubles, c’est une certaine jeunesse qui est ainsi décrite). Tolia se retrouve dans des embrouilles à la fois pour ses propres bêtises, mais aussi du fait de sa gentillesse/loyauté envers des amis qu’il devrait éviter pour son propre bien. Même si Tolia n’en a pas forcément conscience au début du récit, il y a le spectre de l’addiction qui est une pathologie dont on ne guérit jamais vraiment. Mais il y a aussi le rap comme moteur de son existence. Malgré tout, est-il possible de s’en sortir réellement ?

Je ne peux en dire plus, mais qu’est-ce que ce fut prenant ! On sait pourtant ce qu’il advient du personnage dès le début du texte, on sait qu’il s’en sort au moins professionnellement/artistiquement, mais cela ne m’a pas empêché d’être pendu au récit. J’ai aimé toutes les parties qui correspondent à des phases clés de sa vie. Quelques passages m’ont marquée, mais les citer serait spoiler.

En bref, j’ai un avis très positif : un thème dur mais traité avec justesse, un personnage attachant, une écriture/traduction percutante, et on ne s’ennuie pas une seule seconde. 

Merci aux éditions des Syrtes, j’ai vraiment envie de découvrir leur catalogue maintenant ! ❤

Purextase par Andreï Guelassimov

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